Comment est produit l’électricité que nous utilisons ?

L'électricité est devenue un élément indispensable de notre vie quotidienne, alimentant nos foyers, nos entreprises et nos infrastructures. Pourtant, peu d'entre nous connaissent réellement les processus complexes qui permettent de produire cette énergie si précieuse. La France dispose d'un mix électrique unique, reposant sur diverses sources d'énergie primaire et des technologies de pointe. Comprendre comment l'électricité est produite, transportée et distribuée jusqu'à nos prises est essentiel pour appréhender les enjeux énergétiques actuels et futurs. Plongeons au cœur du système électrique français pour découvrir les rouages de cette production vitale.

Les sources primaires d'énergie électrique en france

Le mix électrique français se caractérise par une prédominance du nucléaire, complété par un bouquet d'énergies renouvelables et une part résiduelle d'énergies fossiles. Cette composition unique résulte de choix stratégiques historiques et évolue pour répondre aux défis environnementaux et économiques actuels.

Le nucléaire : pilier de la production électrique française

Le nucléaire occupe une place prépondérante dans la production d'électricité en France, représentant environ 70% du mix électrique. Cette situation découle de la politique énergétique initiée dans les années 1970, visant à assurer l'indépendance énergétique du pays. Le parc nucléaire français compte 56 réacteurs répartis sur 18 sites, exploités par EDF. Ces centrales utilisent la technologie des réacteurs à eau pressurisée (REP), qui permet une production massive et continue d'électricité bas-carbone.

L'énergie nucléaire présente l'avantage d'être peu émettrice de gaz à effet de serre lors de la phase de production. Cependant, elle soulève des questions concernant la gestion des déchets radioactifs et la sûreté des installations. Le vieillissement du parc nucléaire français pose également la question de son renouvellement ou de sa prolongation, un enjeu majeur pour les décennies à venir.

L'hydraulique : deuxième source renouvelable du mix énergétique

L'hydroélectricité constitue la deuxième source de production d'électricité en France, avec une part d'environ 12% du mix énergétique. Cette énergie renouvelable exploite la force de l'eau pour générer de l'électricité à travers différents types d'installations :

  • Les barrages de haute chute, situés en montagne
  • Les centrales au fil de l'eau, installées sur les grands fleuves
  • Les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), permettant le stockage d'énergie

L'hydroélectricité présente l'avantage d'être une source d'énergie flexible, capable de répondre rapidement aux variations de la demande électrique. Elle joue ainsi un rôle crucial dans l'équilibrage du réseau. De plus, les STEP constituent actuellement le principal moyen de stockage d'électricité à grande échelle en France.

L'essor des énergies éoliennes et solaires

Les énergies éolienne et solaire connaissent un développement rapide en France, s'inscrivant dans les objectifs de transition énergétique. L'éolien, terrestre et offshore, représente désormais environ 8% de la production électrique nationale. Le solaire photovoltaïque, bien qu'encore modeste avec environ 3% du mix, affiche la croissance la plus dynamique ces dernières années.

Ces énergies renouvelables présentent l'avantage d'être propres et inépuisables. Cependant, leur caractère intermittent pose des défis en termes de gestion du réseau électrique. Le développement de solutions de stockage et de smart grids est ainsi crucial pour intégrer efficacement ces sources d'énergie variables dans le mix électrique.

Le rôle résiduel des centrales thermiques fossiles

Les centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles (gaz, charbon, fioul) ne représentent plus qu'une part marginale de la production électrique française, environ 7%. Leur rôle principal est désormais d'assurer la sécurité d'approvisionnement lors des pics de consommation ou en cas de faible disponibilité des autres moyens de production.

La France s'est engagée à fermer ses dernières centrales à charbon d'ici 2022, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation du secteur électrique. Les centrales à gaz, moins émettrices de CO2, conserveront un rôle de complément pour garantir la flexibilité du système électrique.

Processus de production d'électricité par type de centrale

Chaque source d'énergie primaire nécessite des technologies spécifiques pour être convertie en électricité. Examinons les principaux processus de production électrique utilisés en France.

Fission nucléaire dans les réacteurs REP d'EDF

Dans les centrales nucléaires françaises, l'électricité est produite grâce à la fission d'atomes d'uranium 235. Ce processus se déroule dans le cœur du réacteur, où la réaction en chaîne contrôlée génère une chaleur intense. Cette chaleur est utilisée pour chauffer de l'eau sous pression, qui circule dans un circuit primaire fermé.

L'eau du circuit primaire transmet ensuite sa chaleur à un second circuit via des échangeurs de chaleur. Dans ce circuit secondaire, l'eau se transforme en vapeur, qui fait tourner une turbine couplée à un alternateur. C'est ce dernier qui produit finalement l'électricité, selon le principe de l'induction électromagnétique.

La technologie des réacteurs à eau pressurisée permet d'atteindre des rendements de conversion de l'ordre de 33%, ce qui en fait l'une des méthodes les plus efficaces de production d'électricité à grande échelle.

Turbinage de l'eau dans les barrages hydroélectriques

Les centrales hydroélectriques exploitent l'énergie potentielle de l'eau stockée en altitude. Lorsque l'eau est relâchée, elle acquiert de l'énergie cinétique en descendant. Cette eau en mouvement fait tourner une turbine hydraulique, qui entraîne à son tour un alternateur pour produire de l'électricité.

Il existe différents types de turbines adaptées aux diverses configurations hydrauliques :

  • Les turbines Pelton pour les hautes chutes
  • Les turbines Francis pour les moyennes chutes
  • Les turbines Kaplan pour les basses chutes

Les centrales hydroélectriques présentent l'avantage de pouvoir démarrer très rapidement, en quelques minutes seulement. Cette flexibilité en fait un outil précieux pour l'équilibrage du réseau électrique.

Conversion photovoltaïque dans les parcs solaires

Les panneaux solaires photovoltaïques convertissent directement l'énergie lumineuse du soleil en électricité, grâce à l'effet photoélectrique. Lorsque les photons de la lumière frappent les cellules de silicium des panneaux, ils libèrent des électrons, créant ainsi un courant électrique continu.

Ce courant continu est ensuite transformé en courant alternatif compatible avec le réseau électrique grâce à des onduleurs. L'efficacité des panneaux solaires s'est considérablement améliorée ces dernières années, atteignant des rendements de conversion supérieurs à 20% pour les technologies les plus avancées.

Génération éolienne onshore et offshore

Les éoliennes transforment l'énergie cinétique du vent en énergie électrique. Les pales du rotor, entraînées par le vent, font tourner un axe connecté à un générateur situé dans la nacelle. Ce générateur produit de l'électricité selon le principe de l'induction électromagnétique.

Les éoliennes terrestres ( onshore ) sont généralement d'une puissance comprise entre 2 et 3 MW, tandis que les éoliennes en mer ( offshore ) peuvent atteindre des puissances supérieures à 10 MW. L'éolien offshore bénéficie de vents plus forts et plus réguliers, permettant une production plus constante.

Combustion dans les centrales à gaz et charbon

Dans les centrales thermiques à flamme, l'électricité est produite en brûlant un combustible fossile (gaz naturel, charbon ou fioul) pour chauffer de l'eau et produire de la vapeur à haute pression. Cette vapeur entraîne une turbine couplée à un alternateur, générant ainsi de l'électricité.

Les centrales à cycle combiné gaz, qui combinent une turbine à gaz et une turbine à vapeur, permettent d'atteindre des rendements supérieurs à 60%. Cependant, malgré cette efficacité accrue, ces centrales restent émettrices de CO2 et leur utilisation tend à diminuer dans le cadre de la transition énergétique.

Transport et distribution de l'électricité en france

Une fois produite, l'électricité doit être acheminée jusqu'aux consommateurs finaux. Ce processus implique un réseau complexe de lignes électriques et de postes de transformation.

Le réseau de transport très haute tension de RTE

Le réseau de transport d'électricité, géré par RTE (Réseau de Transport d'Électricité), assure l'acheminement de l'électricité sur de longues distances. Il est composé de lignes à très haute tension (400 000 et 225 000 volts) et haute tension (90 000 et 63 000 volts), totalisant plus de 100 000 km de lignes.

Ce réseau joue un rôle crucial dans l'équilibrage de l'offre et de la demande d'électricité à l'échelle nationale. Il permet également les échanges d'électricité avec les pays voisins via les interconnexions transfrontalières.

Les postes sources et le réseau de distribution enedis

Les postes sources constituent l'interface entre le réseau de transport et le réseau de distribution. Ils abaissent la tension de l'électricité pour l'adapter au réseau de distribution, géré principalement par Enedis.

Le réseau de distribution achemine l'électricité jusqu'aux consommateurs finaux (particuliers, PME, collectivités) à travers des lignes moyenne tension (20 000 volts) et basse tension (230/400 volts). Il comprend plus d'un million de kilomètres de lignes et dessert environ 36 millions de clients.

L'interconnexion européenne et les échanges transfrontaliers

La France est fortement interconnectée avec les pays voisins, ce qui permet des échanges d'électricité contribuant à la sécurité d'approvisionnement et à l'optimisation économique du système électrique européen. Ces interconnexions jouent un rôle croissant dans l'intégration des énergies renouvelables à l'échelle continentale.

L'interconnexion européenne renforce la résilience du système électrique face aux aléas climatiques et techniques, tout en favorisant la convergence des prix de l'électricité entre les pays.

Gestion de l'équilibre offre-demande électrique

Maintenir l'équilibre constant entre la production et la consommation d'électricité est un défi technique majeur, essentiel au bon fonctionnement du système électrique. Plusieurs mécanismes sont mis en œuvre pour assurer cette stabilité.

Le rôle central du gestionnaire de réseau RTE

RTE, en tant que gestionnaire du réseau de transport, est responsable de l'équilibrage en temps réel de l'offre et de la demande d'électricité. Cette mission implique une surveillance constante du réseau et la capacité à réagir rapidement aux variations de la consommation ou de la production.

Pour ce faire, RTE dispose de plusieurs leviers :

  • La modulation de la production des centrales pilotables
  • L'activation de réserves de puissance
  • La gestion des flux d'importation et d'exportation

La prévision précise de la consommation et de la production, notamment renouvelable, est également un élément clé de cette gestion de l'équilibre.

Mécanismes d'ajustement et effacement de consommation

Le mécanisme d'ajustement permet à RTE de solliciter rapidement des augmentations ou des baisses de production auprès des acteurs du marché. En parallèle, l'effacement de consommation consiste à réduire temporairement la consommation de certains sites industriels ou tertiaires, contribuant ainsi à l'équilibrage du réseau.

Ces mécanismes de flexibilité sont appelés à se développer avec l'augmentation de la part des énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique. Les smart grids et les compteurs communicants comme Linky jouent un rôle croissant dans l'optimisation de ces ajustements.

Stockage par STEP et développement des batteries

Le stockage d'électricité est un enjeu crucial pour la gestion de l'intermittence des énergies renouvelables. Les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) constituent actuellement la principale solution de stockage à grande échelle en France. Elles permettent de stocker l'énergie sous forme d'eau pompée en altitude, puis de la restituer en période de forte demande.

Le développement des batteries de grande capacité offre de nouvelles perspectives pour le stockage d'électricité. Des projets pilotes sont en cours pour évaluer leur potentiel dans la régulation du réseau et l'intégration des énergies renouvelables.

Enjeux et perspectives de la production électrique française

Le système électrique français fait face à des défis majeurs pour répondre aux objectifs de transition énergétique tout en garantissant la sécurité d'approvisionnement. Plusieurs enjeux se dessinent pour les années à venir.

Prolongation et

renouvellement du parc nucléaire

La question du renouvellement du parc nucléaire français est au cœur des débats sur l'avenir énergétique du pays. Avec une moyenne d'âge de plus de 35 ans pour les réacteurs actuels, la France doit décider de la stratégie à adopter pour maintenir sa capacité de production électrique bas-carbone.

Deux options principales se présentent :

  • La prolongation de la durée de vie des réacteurs existants, moyennant d'importants travaux de rénovation et de mise aux normes de sûreté.
  • La construction de nouveaux réacteurs, notamment le modèle EPR (Evolutionary Power Reactor) développé par EDF.

Le gouvernement français a annoncé en 2022 son intention de lancer la construction de 6 nouveaux EPR, avec une option pour 8 réacteurs supplémentaires. Ce programme vise à renouveler une partie du parc nucléaire tout en maintenant l'expertise française dans ce domaine stratégique.

La décision de poursuivre dans la voie du nucléaire soulève des questions sur les coûts, les délais de construction et la gestion des déchets radioactifs. Elle s'inscrit néanmoins dans une stratégie de décarbonation de l'économie française.

Objectifs de développement des énergies renouvelables

En parallèle du maintien d'une base nucléaire, la France s'est fixé des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables. La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 32% de la consommation finale brute d'énergie en 2030.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs axes de développement sont privilégiés :

  • L'éolien terrestre, avec un objectif de 24,1 GW installés en 2023
  • L'éolien en mer, avec des appels d'offres pour atteindre 6,2 GW en 2028
  • Le solaire photovoltaïque, visant 20,1 GW installés en 2023
  • La biomasse et la méthanisation, pour diversifier les sources d'énergie renouvelable

Ces objectifs nécessitent des investissements conséquents et une adaptation du réseau électrique pour intégrer ces sources d'énergie intermittentes. Le développement des technologies de stockage et des réseaux intelligents jouera un rôle crucial dans la réussite de cette transition énergétique.

Fermeture programmée des dernières centrales à charbon

Dans le cadre de sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la France s'est engagée à fermer ses dernières centrales à charbon. Cet engagement s'inscrit dans une tendance européenne de sortie progressive du charbon, l'énergie fossile la plus polluante.

En 2022, il ne restait plus que deux centrales à charbon en activité en France :

  • La centrale de Cordemais (Loire-Atlantique)
  • La centrale de Saint-Avold (Moselle)

La fermeture de ces centrales pose des défis en termes de sécurité d'approvisionnement électrique, notamment lors des pics de consommation hivernaux. Des solutions alternatives, telles que le renforcement des interconnexions avec les pays voisins et le développement de capacités de production flexibles, sont mises en œuvre pour compenser cette perte de capacité pilotable.

Innovations technologiques : SMR, hydrogène, fusion

L'avenir de la production électrique française pourrait être façonné par plusieurs innovations technologiques prometteuses :

Les Small Modular Reactors (SMR) : Ces petits réacteurs nucléaires modulaires, d'une puissance inférieure à 300 MW, présentent l'avantage d'être plus flexibles et moins coûteux que les grandes centrales traditionnelles. La France, à travers le projet Nuward porté par EDF, investit dans le développement de cette technologie.

L'hydrogène vert : Produit par électrolyse de l'eau à partir d'électricité renouvelable, l'hydrogène vert pourrait jouer un rôle important dans le stockage d'énergie et la décarbonation de certains secteurs industriels. Des projets pilotes sont en cours pour évaluer son potentiel dans la production d'électricité.

La fusion nucléaire : Bien qu'encore au stade expérimental, la fusion nucléaire promet une source d'énergie quasiment inépuisable et peu polluante. La France participe activement au projet international ITER, dont l'objectif est de démontrer la faisabilité de cette technologie.

Ces innovations pourraient révolutionner le paysage énergétique dans les décennies à venir, offrant de nouvelles solutions pour une production électrique durable et bas-carbone.

La transition du système électrique français vers un mix plus diversifié et décarboné est un défi de longue haleine. Elle nécessite des investissements massifs, une planification rigoureuse et une adaptation continue aux évolutions technologiques et aux enjeux environnementaux. L'équilibre entre sécurité d'approvisionnement, compétitivité économique et respect des engagements climatiques guidera les choix stratégiques de la France en matière de production électrique pour les années à venir.

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